A la découverte de Jean Grémillon : de la lumière au silence

Depuis octobre 2011, la Cinémathèque suisse et l’Université de Lausanne présentent une rétrospective au long cours de l’œuvre de Jean Grémillon en liaison avec un cours dispensé dans la section Histoire et esthétique du cinéma (Dorigny, Unithèque, jeudi 15.00-17.00).
Après ses années d’apprentissage et ses débuts exigeants dans la mouvance du cinéma de recherche, après des échecs commerciaux et l’obligation qui lui est faite d’accepter des travaux de commande en France et en Espagne, Grémillon voit sa carrière prendre un nouveau cours avec l’invitation de venir travailler aux studios de l’UFA à Berlin. L’Allemagne est alors le seul concurrent au cinéma américain sur le marché européen : la production française a vu Gaumont et Pathé s’effondrer, le procédé sonore français échouer, les pouvoirs publics refuser de s’engager. La prise du pouvoir par les nazis et ses conséquences dans le domaine du cinéma (interdictions de travailler pour des milliers de techniciens, acteurs, réalisateurs, producteurs en raison de leurs positions politiques et de leurs origines) n’y change rien : les studios de Babelsberg produisent bon nombre des films européens qui sont ensuite diffusés en tant que produits « nationaux » dans les pays respectifs. Ainsi, grâce à Raoul Ploquin qui dirige le département français de l’UFA, Grémillon, après la version française de Valse royale (exercice de style) va tourner plusieurs de ses meilleurs films à Berlin avec des acteurs comme Gabin, Brasseur, Raimu, Madeleine Renaud, Viviane Romance, sur des scénarios et des dialogues de Roger Vitrac, Charles Spaak, Albert Valentin, Marcel Achard adaptant Sardou, Beucler, Vercel avec Louis Daquin ou Louis Chavance comme assistants (seuls les opérateurs et décorateurs sont allemands)… La guerre de 1939 interrompt le tournage de Remorques, production que l’UFA a cédée à un producteur juif réfugié en France qui s’achèvera sous l’Occupation nazie. Puis ce sont deux chefs d’œuvre tournés durant cette Occupation qui interdit le « langage direct » : Lumière d’été et Le Ciel est à vous auxquels succèdent à la Libération un engagement politique et artistique de Grémillon qui lui vaut sa relégation durant la « guerre froide ». Après Le 6 juin à l’aube qui évoque le débarquement et la victoire sur le nazisme, tous ses projets d’envergure qui sont de nature historique – 1848, La Commune, la Saint-Barthélemy, les mutineries de 1917, une adaptation des Thibaut… – se révèlent impossibles à monter ou sont sabotés. Alternent alors documentaires et films de fiction, souvent de commande, où s’exprime cependant ce « tragique quotidien » qui caractérise le cinéaste. A sa mort Louis Daquin qui fut son assistant écrit : « Le grand silence de Jean Grémillon va désormais se prolonger… » (l’Humanité, 27 novembre 1959)

Prof. François Albera 

séances de projection 35mm à la Cinémathèque suisse le jeudi à 18.30 (sauf exceptions) entrée libre pour les étudiants du cours

1er mars
Gueule d’amour - Allemagne/France 1937 90mn
De Jean Grémillon Scén. Charles Spaak et Grémillon d’après le roman d’André Beucler Assistant Louis Daquin Image Günther Rittau Musique Lothar Bruhne Avec Jean Gabin, Mireille Balin, René Lefevre, Maurice Baquet, Jane Marken, Robert Casa
Spahi à Orange, Lucien, « gueule d’amour », multiplie les conquêtes féminines jusqu’à sa rencontre avec Madeleine, demi-mondaine, qui se joue de lui, lui fait perdre toute superbe, le fait déchoir et tuer.

 

8 mars
L’Etrange Monsieur Victor – Allemagne/France 1938 96 min
De Jean Grémillon Scén. Marcel Achard, Charles Spaak Image Werner Krien Décors Otto Hunte, Willy Schiller Avec Raimu, Pierre Blanchar, Madeleine Renaud, Viviane Romance, Andrex, Charles Blavette, Georges Flamand
Un commerçant respectable de Toulon, marié et père de famille, se révèle chef et recèleur d’une bande de malfrats ; il fait condamner un innocent pour un meurtre qu’il a commis pour se protéger et rongé d’une remord dénié il expie.

 

15 mars
Remorques – France 1939-1941 – 81 mn
De Jean Grémillon Scén. Roger Vercel, Charles Spaak, André Cayatte, Jacques Prévert d’après le roman de R. Vercel Image Armand Thirard Musique Roland Manuel Avec Jean Gabin, Michèle Morgan, Madeleine Renaud, Fernand Ledoux, Charles Blavette
Le capitaine d’un remorqueur venu au secours d’un cargo en perdition tombe amoureux d’une des rescapées et se trouve déchiré entre son épouse malade, cet amour fou et son travail de sauveteur.

 

29 mars
Lumière d’été – France 1943 – 105 min
De Jean Grémillon Scénario Jacques Prévert, Pierre Laroche Image Louis Page Musique Roland Manuel Direction Roger Desormière Décors André Barsacq, Max Douy, Alexandre Trauner Avec Pierre Brasseur, Madeleine Renaud, Madeleine Robinson, Georges Marchal, Charles Blavette, Jane Marken, Leonce Corne, Marcel Levesque, Paul Bernard
Près d’un barrage en construction un châtelain pervers invite chez lui un peintre raté à la seule fin de séduire sa maîtresse. Bal masqué, meurtre et entrée des ouvriers sur la scène sociale.

 

5 avril
Le Ciel est à vous – France – 1944 – 102 min
De Jean Grémillon Scén. Albert Valentin Adaptation et dialogues Charles Spaak Images Louis Page, Roger Arrignon Musique Roland Manuel Avec Charles Vanel, Madeleine Renaud, Jean Debucourt, Albert Rémy, Raymonde Vernay, Léonce Corne
Un couple de garagistes landais sacrifient tout et bravent le qu’en dira-t-on des honnêtes gens pour fondre leur passion amoureuse dans l’exaltation de l’aviation et d’une tentative de record féminin de distance. Epopée.

 

19 avril
Le 6 juin à l’aube – France – 1945 – 56 min
De Jean Grémillon Scén. commentaire J. Grémillon Image André Bac, Alain Douarinou, Louis Page, Maurice Pecqueux Musique J. Grémillon
Témoignage sur la libération de la France à travers des paysages ruraux et urbains détruits par la guerre, loin du triomphalisme de circonstance. Un Requiem.

 

3 mai
Alchimie – France – 1952 – 7 min
Une entrée d’une Encyclopédie filmée.

Pattes blanches – France – 1949 – 92 min
De Jean Grémillon Scén. Jean Anouuilh Image Philippe Agostini Assistants Pierre Kast, Guy Lefranc Musique Elsa Barraine Direction Roger Désormière Décors Léon Barsacq Avec Fernand Ledoux, Suzie Delair, Michel Bouquet, Paul Bernard, Sylvie, Jean Debucourt
Un aristocrate breton ruiné que sa servante aime en silence prend pour maîtresse la fiancée d’un patron de bistro dont son demi-frère tombe passionnément amoureux. Meurtre, suicide, incendie. Baroque.

 

10 mai

15.00
Les Charmes de l’existence – France – 1949 – 24 min
De Jean Grémillon Collaboration Pierre Kast Scén. Grémillon, Kast Image Gaston Muller Commentaire dit par J. Grémillon
La peinture des Salons de 1860 à 1910, le règne des « Pompiers », aujourd’hui réhabilités par les critiques du « modernisme ».

Les Désastres de la guerre – France – 1949 – 20 min
De Jean Grémillon et Pierre Kast
Goya témoigne des horreurs perpétrées en Espagne par Napoléon au nom des Lumières. Eau-forte.

Au cœur de l’Ile-de-France – France – 1954
De Jean Grémillon Musique Roland Manuel et Grémillon
Sur la continuité de l’art français.

La Maison aux images – France – 1955 – 18 min
De Jean Grémillon
La gravure contemporaine à Montmartre.

Haute-Lisse – France – 1956 – 16 min
De Jean Grémillon Musique Grémillon
L’art de la tapisserie à la Manufacture des Gobelins.

André Masson et les quatre éléments – France – 1958 – 24 min
De Jean Grémillon Musique Grémillon.
Le peintre surréaliste et héraclitéen André Masson au travail.

18.30
L’Amour d’une femme – France/Italie – 1953 – 98 min
De Jean Grémillon Scén. J. Grémillon Adaptation René Wheeler Dialogues René Fallet Image Louis Page Musique Henri Dutilleux Avec Massimo Girotti, Micheline Presle, Gaby Morlay, Carette
Une femme médecin prend son premier poste dans l’île d’Ouessant, s’attache l’amitié d’une institutrice austère et tombe amoureuse d’un ingénieur italien œuvrant sur un chantier ce qui lui met toute la population à dos. Incertain de pouvoir exercer sa domination masculine, l’ingénieur la quitte honteusement.

 

24 mai (Unithèque 4215, 17.00)
L’Etrange Madame X – France – 1951 – 91 min
De Jean Grémillon Scén. Marcelle Maurette Adaptation Albert Valentin Dialogue Pierre Laroche Image Louis Page Avec Michèle Morgan, Arlette Thomas, Henri Vidal, Maurice Escandre
Irène a pour mari un grand éditeur, riche bourgeois. Elle rencontre Etienne, l'un de ses employés. Par amour pour lui, elle se fait passer pour une femme de chambre.


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