Marjolaine Gros-Balthazard

Marjolaine Gros-Balthazard

Marjolaine Gros-Balthazard est première assistante à l’Institut de géographie et durabilité. Ses recherches portent sur les différents leviers du développement des territoires de montagnes et leurs évolutions face aux changements climatiques. En 2020, elle a participé au projet « Les communs de montagne face aux changements globaux : analyser le passé pour comprendre les enjeux actuels », un des quatre projets soutenus par le programme seed funding du CIRM cette année-là.

 

 

Entretien du 12 février 2021

 

Mélanie Clivaz (MC) :   Pourquoi un projet sur les communs de montagne ? Que sont les communs ?  

 

Marjolaine Gros-Balthazard (MGB) : Depuis une dizaine d’années, un renouveau des communs est observé dans les espaces urbains, autour de nouveaux enjeux, de nouvelles ressources. En quelque mots, les communs renvoient à des formes d’action, ni privée, ni publique, mais collective qui se traduisent par une auto-organisation autour d’une ressource (eau, jardin, moulin, bâtiment, etc.). L’idée de ce projet est d’observer si un tel renouveau existe aussi dans les territoires de montagne qui ont accueilli depuis longtemps des communs « traditionnels » tels que les bourgeoisies ou les consortages.

 

 

MC :  Comment s’est déroulée la mise en œuvre de ce projet ?

 

MGB : J’ai rejoint le projet en automne 2019 à mon arrivée à l’IGD avant le dépôt du projet au programme de seed funding. Comme pour tous les projets de recherche, la mise en œuvre a été chamboulée par les restrictions sanitaires : le grand séminaire de lancement prévu au mois d’avril a dû être revu et la majorité de nos réunions ont malheureusement dû se dérouler en visio-conférence. Nous avons pu malgré tout continuer à avancer lors de réunions régulières, dans un premier temps autour des avancées de la post-doctorante recrutée, Edith Chezel, qui a travaillé sur un recensement de cas de nouveaux communs dans les territoires de montagne puis, dans un deuxième temps, sur la préparation d’un projet à soumettre au FNS.

 

 

MC :  Votre équipe de recherche étaient formée de chercheur·e·s de cinq disciplines, comment s’est passée cette collaboration ?

 

MGB : La collaboration s’est bien passée et se poursuit d’ailleurs à travers le dépôt d’un projet FNS en avril prochain. Comme pour tout projet interdisciplinaire, il faut du temps et des échanges pour établir un langage commun mais cela en vaut vraiment la peine ! L’interdisciplinarité autour de cet objet que sont les communs est vraiment riche. En plus, la plupart des chercheurs de l’équipe sont des experts sur les communs et ont donc quelque chose à amener au projet, de façon très complémentaire.

 

 

MC : Quels sont vos premiers résultats ?

 

MGB : Le recensement des cas se poursuit cet hiver avec le travail de Seraina Hürlemann qui a pu être recrutée grâce à un soutien financier de la Faculté des géosciences et de l’environnement. Elle étend la couverture géographique de la base de données vers des territoires germanophones (Haut-Valais, Grisons, etc.). Avec cette base, nous avons pu valider l’existence de nouvelles formes d’action collective dans l’arc alpin, que ce soit en Suisse, en France ou en Italie. Une grande diversité a été mise en évidence concernant les thématiques dans lesquelles ces communs opèrent (infrastructures, patrimoine et architecture, services de proximité, etc.) mais aussi dans les problématiques auxquelles ils répondent (changement climatique, transition touristique, relations plaine-montagne, etc.).

 

 

MC : Quelle suite est envisagée pour ce projet ?

 

MGB : Ces premiers résultats ont conforté l’équipe dans l’idée de déposer un projet FNS pour prolonger et élargir les questionnements. Plusieurs communications sont également envisagées pour valoriser les résultats obtenus jusqu’ici.

 

 

MC : Plus généralement, dans ta recherche post-doctorale, tu travailles sur les différents leviers du développement des territoires de montagne et leurs évolutions face aux changements climatiques. Peux-tu nous en dire plus ?

 

MGB : Oui ! Comme je l’ai dit, les territoires de montagne sont aujourd’hui particulièrement vulnérables tant d’un point de vue environnemental que socio-économique. Mon ambition n’est pas de dire ce qu’est la transition (ou non) mais plutôt d’observer, de comprendre et d’analyser les changements qui s’opèrent actuellement dans les économies de montagne, et les éventuels signaux faibles pour l’avenir. De nombreux travaux existent sur l’adaptation des sports d’hiver et des stations de ski mais j’ai vraiment à cœur d’élargir la focale pour questionner les autres enjeux et logiques de développement qui animent les territoires de montagne autour d’autres problématiques résidentielles, de questions productives mais aussi de protection/conservation des ressources. Cela me pousse à questionner ce que sont aujourd’hui les territoires de montagne, dans toute leur diversité, géographique, démographique, socio-économique, et quelles sont les spécificités de leur développement par rapport à d’autres espaces urbains ou ruraux. Peut-on encore les qualifier de territoires périphériques et isolés ? En partie seulement. Les villes des fonds de vallée ont aujourd’hui des économies que l’on peut qualifier d’urbaines, assez proches de ce qu’on retrouve sur le Plateau, d’autres fonds de vallées sont plus industriels alors que les hauteurs sont davantage caractérisées par des économies récréativo-touristiques. Dans tout cela, rares sont les mono-spécialisations : de nombreuses activités s’entremêlent et se nourrissent mutuellement. Dans une société comme la nôtre qui se caractérise, hors période de Covid, par une importante mobilité, il est important de mettre en lumière les dépendances et interdépendances qui existent entre les territoires. Par exemple, je travaille actuellement sur deux villages valaisans, Isérables et Vercorin. Malgré leur position géographique relativement similaire, leurs trajectoires de développement sont très différentes, notamment en raison de relations avec la plaine, qu’elles soient humaines, économiques, institutionnelles ou physiques, largement différentes elles aussi.

 

 

MC : Pourquoi avoir choisi également le Val d’Hérens comme terrain d’étude ?

 

MGB : Comprendre la trajectoire socio-économique passée des territoires de montagne éclaire bien sûr la situation présente mais aussi l’avenir. Sans être strictement déterministe, cela permet de révéler les liens au milieu physique, mais aussi l’évolution des flux entre territoires et de l’imbrication entre activités productives et résidentielles (synergies, conflits…). Tous ces éléments me semblent essentiels aujourd’hui face aux changements climatiques. Les solidarités climatiques pourraient effectivement inviter les communautés à s’unir et prendre acte à la fois de leurs complémentarités socio-économiques et du rapport entre les activités socio-économiques et le milieu environnemental. Le Val d’Hérens est un territoire d’étude extrêmement intéressant pour étudier tout cela. Différentes logiques de développement coexistent : productives (agriculture, foresterie, hydroélectricité notamment), résidentielles (tourisme, pendularité) ou encore de protection des ressources. Celles-ci se recombinent dans le temps, évoluent et s’influencent mutuellement. Plusieurs dynamiques intéressantes interrogeant directement le développement à venir ont aussi été relevées : gel des terrains à bâtir à Evolène, rejet du projet de Parc naturel régional par une partie des communes et habitants, recours des associations écologistes contre le remplacement d’un télésiège, importante fréquentation estivale observée durant l’été 2020, projet du Grand Sion, etc. En plus de cela, le Val d’Hérens offre quand même un cadre paysager exceptionnel qui ne peut rendre le travail de recherche que plus agréable.

 

 

MC : Qu’est-ce que le CIRM apporte à ta recherche ?

 

MGB : Le CIRM m’apporte beaucoup ! Les différents évènements, conférences, semaines thématiques, contribuent à alimenter ma culture « générale » sur la montagne et les enjeux actuels, très divers, et cela à travers un prisme interdisciplinaire. C’est aussi un réseau de personnes et donc de connaissances et compétences. C’est enfin une institution qui donne des moyens pour lancer des projets comme en témoigne le projet sur les communs dont j’ai parlé précédemment ou encore le projet Hérens 1940-2040 dans lequel ma recherche va s’inscrire en partie.

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