Séminaire de recherche en linguistique

Les linguistes se retrouvent régulièrement pour discuter de la recherche menée en linguistique dans et hors de la section.

Historique des présentations

  • Jérôme Jacquin - Les marqueurs épistémiques et évidentiels du français-en-interaction. Plonger dans la complexité, s'extraire de la perplexité ? - 12 avril 2022

Les marqueurs épistémiques et évidentiels et plus généralement le domaine de "l'épistémicité" a fait l'objet de nombreuses études en linguistique française, mais principalement dans une perspective sémantique et/ou syntaxique et en mobilisant majoritairement des exemples inventés ou fortement décontextualisés. Les recherches sur corpus restent rares, elles se concentrent le plus souvent sur quelques marqueurs spécifiques et ne prennent généralement pas en compte les facteurs pragmatiques tels que la séquentialité (aspects cotextuels), la généricité (aspects contextuels) et la multimodalité (aspects pluri-sémiotiques).

La présentation se basera sur un projet de recherche FNS en cours (2020-2024, 100012_188924) et dont l'objectif est l'étude des marqueurs épistémiques et évidentiels du français tels qu'ils émergent dans un corpus contrastif vidéo-enregistré de 28h d'interactions documentant des débats politiques (publics ou télévisés) et des réunions en entreprise. Après une courte introduction aux principales options théoriques et méthodologiques adoptées par le projet pour analyser – à la fois quantitativement et qualitativement – un large empan de marqueurs épistémiques et évidentiels du français, la présentation fournit une analyse de cas sur la base de 328 occurrences de verbes et adverbes d'apparence (verbes: sembler, paraître, avoir l’air, avoir l’impression et donner l’impression; adverbes: apparemment, évidemment, manifestement, visiblement). L'analyse quantitative se concentre sur la distribution générale des verbes et adverbes par genres discursifs, rôles communicationnels et positions séquentielles ; La multimodalité – notamment les éventuels changements de direction du regard ainsi que les éventuels gestes co-occurrents aux marqueurs – sera aussi considérée. Au niveau quantitatif, la présentation propose une étude de l'expression la plus fréquente (il me semble que), en examinant les variations de sens et de valeurs en fonction des positions séquentielles (par exemple en position initiative VS réactive) et des types de portée (notamment en termes de factualité). La présentation se conclut avec quelques remarques générales sur l'intérêt de combiner méthodes quantitatives et qualitatives pour étudier les marqueurs épistémiques et évidentiels et plus généralement pour alimenter les réflexions actuelles quant à l'interface de la sémantique et de la pragmatique.

NB : Cette présentation se base en grande partie sur une conférence donnée à l’USI (Lugano) en février 2022 à l’occasion du colloque international « Sources of knowledge in talk-in-interaction ». La présentation se fera en français, mais les diapositives seront en anglais.

 

  • Benjamin Storme & Laura Delaloye Saillen - Effets du genre grammatical sur les inférences de genre social : le cas des noms hybrides en français - 10 mai 2022

Un nombre croissant de recherches montre que le genre grammatical d’un nom biaise l’interprétation du genre social/biologique de son référent. Ce résultat, qui joue un rôle central dans les débats de société autour de l'écriture inclusive, a été établi à partir de recherches psycholinguistiques portant majoritairement sur les masculins génériques (par ex. les étudiants). Ces recherches ont montré que les masculins génériques ont tendance à être interprétés comme renvoyant spécifiquement à des hommes, même quand une interprétation générique incluant hommes et femmes est visée.
 
Cette présentation décrit deux études expérimentales sur le français (160 participant⸱es) qui visent à répliquer ce résultat mais en utilisant un type de noms beaucoup moins étudié dans la littérature psycholinguistique : les noms hybrides à interprétation générique (par ex. individu, personne, talent, vedette, personnage, personnalité, etc.) . Comme les masculins génériques, les noms génériques hybrides peuvent renvoyer aussi bien à des hommes qu'à des femmes. Mais à la différence des masculins génériques, leur genre grammatical est invariable et, selon les noms, peut être non seulement masculin (par ex. un talent) mais aussi féminin (par ex. une vedette). La disponibilité des deux genres grammaticaux pour les noms hybrides permet de tester de façon plus complète l'effet du genre grammatical sur les inférences de genre.
 
Les résultats de nos études sur les noms hybrides, établis à partir de données de jugement, vont dans le même sens que les résultats sur les masculins génériques et par conséquent apportent un nouvel argument en faveur de l'hypothèse d'une influence du genre grammatical sur les inférences de genre. En effet, les noms hybrides à genre masculin ont été jugés comme renvoyant de façon plus probable à des hommes que les noms sémantiquement proches à genre féminin (par ex. un talent vs. une vedette). Cependant les résultats n’ont pas révélé de biais symétrique pour les noms féminins : ceux-ci n’ont pas favorisé des interprétations féminines de leur référent mais ont eu tendance à être interprétés comme neutres du point de vue du genre. Ce résultat inattendu, qui semble remettre partiellement en cause l'hypothèse de biais grammaticaux dans les inférences de genre, sera discuté à la fin de la présentation.
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