François Albera, professeur honoraire de la Faculté des lettres

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François Albera est né à Genève en 1948. Après des études universitaires en philosophie et sciences du langage à l'Université de Lyon, il a obtenu un doctorat ès lettres en histoire de l'art de l'Université de Genève. Sa thèse sous la direction du professeur Maurice Besset est soutenue en 1988. Première thèse portant sur le cinéma dans cette université, elle s'intitule Stuttgart : dramaturgie de la forme cinématographique, S.M. Eisenstein et le constructivisme russe et est parue à l'Age d'homme en 1990.

Après quinze ans d'enseignement d'abord à l'Université de Lyon puis à l'école des Beaux-Arts de Genève (où il crée un atelier "cinéma/vidéo"), il a été nommé titulaire de la première chaire de Suisse à offrir un cursus complet, jusqu’à la licence, en études cinématographiques, créée à la Faculté des lettres de l'Université de Lausanne en 1990. Il a également été invité à enseigner aux Universités de Montréal et de Sao Paolo.

Tenant d’une démarche critique qu’il a transmise sans relâche à ses étudiants (au fil d’enseignements aussi rigoureux que novateurs sur l’auteur en question(s) ou l’historiographie du cinéma), François Albera cherche constamment, notamment en mettant l’accent sur les discours émis à propos des films, à dépasser les cadres conventionnels de la théorie et de l’histoire du cinéma pour ouvrir son objet d’étude à de nouvelles approches épistémologiques, esthétiques, sociales et culturelles. Sa curiosité à l'égard de champs d'étude et de méthodologies diverses (depuis l’histoire de l’art ou l’historiographie générale, jusqu’à l’épistémologie historique), curiosité manifeste dans son plaisir à échanger à propos des objets les plus variés, le conduit à de permanentes remises en question des acquis et au déplacement des perspectives traditionnelles, dans un entre-deux entre histoire et esthétique qui a contribué à redéfinir la cartographie des études francophones sur le cinéma. Pour Albera, indépendamment de toute hiérarchie institutionnelle, tout lieu s'avère propice à développer une réflexion, de l’article dans une revue d’art au compte rendu d'ouvrages ou d’expositions.

Ses recherches se sont traduites par de nombreuses publications saluées au plan international, par l’organisation de colloques décisifs pour la discipline, ainsi que par des collaborations déterminantes à des expositions, rétrospectives, festivals, etc. Elles ont largement porté sur les relations entre le cinéma et les autres arts (peinture, littérature, photographie…) dans les avant-gardes historiques, dont il a contribué à renouveler la connaissance (livre sur L’avant-garde au cinéma, édition critique de textes des « formalistes » russes et de cinéastes soviétiques comme S. M. Eisenstein ou Lev Koulechov, travaux sur la société « Albatros » et d’autres réalisateurs français des années vingt). Sa réflexion méthodologique sur le cinéma anime en particulier la revue parisienne 1895. Revue d’histoire du cinéma éditée par l’Association française de recherche sur l’histoire du cinéma, dont il est l’un des membres du comité de rédaction.

François Albera a également œuvré pour la défense et l’étude d’importants réalisateurs contemporains. La proximité avec certains artistes, hors de tout fétichisme, nourrit constamment une pensée attachée à la confrontation avec la concrétude des pratiques. C’est ainsi que dans son parcours, la critique a pu jouer un rôle initiateur, l’élégance théorique ne se séparant jamais, pour lui, de la sensibilité du regard. Ces affinités électives se sont notamment actualisées par des invitations à Lausanne de grands noms comme Jean Rouch, Jean-Marie Straub et Danièle Huillet, Johan van der Keuken (avec qui il co-réalisa un ouvrage), Harun Farocki, Steven Dwoskin, Boris Lehman, Luc Moullet dont les films permettent d’interroger la frontière entre le documentaire et la fiction et de questionner la dimension politique de ce moyen d’expression. Cet engagement croisé avec les œuvres et l’histoire s’est logiquement poursuivi dans son long travail avec la Cinémathèque suisse, selon un double pan théorique – réflexion sur l’archive et l’institution – et pratique – valorisation du patrimoine filmique par l’accompagnement hebdomadaire de projections non restreintes au public étudiant.

Depuis quelques années, la réflexion de François Albera s’est plus spécifiquement concentrée sur des questions d’épistémologie du cinéma. A l’heure du numérique et des nouveaux médias, les transformations que subit ce médium appellent à le repenser à partir de ses présupposés historiques, ce que l’étude des dispositifs permet de dégager. Le concept de « cinéma projeté » élaboré dans ce cadre par François Albera renouvelle l’approche archéologique du cinéma en éclairant réciproquement les inventions techniques du dispositif et « l’invention » littéraire. Son travail de chercheur, reconnu bien au-delà de ses seuls terrains d’expertise, n’a justement cessé jusqu’à aujourd’hui de décloisonner les champs et les domaines de pensée.

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