De la fin du XIVe au début du XVIe siècle apparaissent en France les traités dits « de seconde rhétorique ». Rédigés en langue vernaculaire, ils sont consacrés à la seule écriture poétique, de manière à lui conférer une nouvelle légitimité face à un public qui dépasse largement le cercle des seuls spécialistes. Parmi ces textes, L'Instructif de la seconde rhétorique (vers 1470) attire d'autant plus l'attention qu'il est imprimé en 1501 par Antoine Vérard à Paris et sert de source au Grand et vrai Art de pleine rhétorique (1521) de Pierre Fabri. Le cheminement de l'oeuvre, sa diffusion et sa réutilisation, en font un exemple révélateur de ce qu'il convient d'appeler, au passage du Moyen Age à la Renaissance, une « poétique de transition ».
Ce n'est pas là un cas isolé. Comme L'Instructif, le débat des Douze Dames de Rhétorique (1463) trouve un prolongement dans la Complainte (1476) écrite par Jean Robertet à la mort de George Chastelain, puis, vers 1500, dans les fresques réalisées à la cour d'Aymon de Montfalcon, prince-évêque de Lausanne. L'une et l'autre de ces « poétiques de transition » s'ouvrent à la question de l'inspiration, témoignant d'un bouillonnement culturel dans lequel, entre le poids des traditions médiévales et une influence italienne naissante, les opinions s'opposent, se croisent et s'entrelacent.
Le défi était, pour nous, de dégager les modalités et les enjeux d'une réflexion en marche, au fil de laquelle s'affirme peu à peu, d'échos en contradictions, l'éminente dignité de la poésie et du poète. C'est toute la richesse d'une époque trop longtemps décriée, celle des « grands rhétoriqueurs », qui se révèle à la lecture des deux traités ; c'est surtout, toute leur importance pour l'histoire de la poésie - et des poétiques - que les articles réunis dans le présent volume Etudes de lettres invitent à découvrir... avec l'espoir de susciter un regain d'intérêt pour des textes, d'accès souvent difficile, mais auxquels il est temps de rendre justice dans leur tentative pionnière de définir la spécificité du champ poétique en France.