278 (2007/4) Lectures littéraires et appropriation des langues étrangères - Edité par Chiara Bemporad et Thérèse Jeanneret

Ce volume fait le point sur les différents courants de la didactique de la littérature et explore diverses tentatives d'enseigner la littérature en classe de langue étrangère. Il part de l'hypothèse que la littérature procure à l'apprenant des accès à la langue si riches et si diversifiés que ce dernier ne saurait s'en passer. La manière dont la littérature est instituée en objet d'enseignement est alors cruciale: elle doit rendre l'apprenant attentif à telle ou telle donnée culturelle et à ses encodages langagiers, elle doit lui permettre d'identifier progressivement un mouvement de sens grâce à tel ou tel regroupement de textes, elle doit lui fournir les outils d'analyse et de problématisation qui lui permettent de poursuivre seul sa trajectoire de lecture. Dans ce volume, on découvrira les solutions proposées par des didacticiennes et didacticiens de pays francophones s'attelant à l'enseignement de littératures européennes - souvent française, mais également anglaise, espagnole et italienne - pour lever les difficultés et théoriser les apports de cet enseignement de littérature et en saisir les renouveaux méthodologiques.

SOMMAIRE

Avant-propos de Chiara BEMPORAD et Thérèse JEANNERET - Langues étrangères : Quelles lectures pour quelles appropriations? (p. 5-16)

PREMIÈRE PARTIE
Du côté des didacticiens. Approches théoriques de la lecture littéraire.

Karl CANVAT - Lire du côté de chez soi. Réhabiliter la lecture « ordinaire » (p. 19-52)

L'auteur analyse différentes pratiques de lecture émergeant de milieux divers. A un contexte scolaire dans lequel l'enseignant privilégie une lecture lettrée et rationelle s'oppose un type de lecture visant à former des lecteurs autonomes qui pratiquent une lecture ordinaire. Pour que l'activité lectoriale soit globalement la plus formatrice possible, l'article analyse les différentes fonctions d'une lecture des textes littéraires qui permettent aux lecteurs de se construire comme sujet langagier, psychologique, social, culturel et philosophique.

Luc COLLÈS et Jean-Louis DUFAYS - Du texte littéraire à la lecture littéraire : les enjeux d'un déplacement en classe de FLE/S (p. 53-70)

L'article analyse les moyens et les enjeux de deux approches complémentaires de la littérature en classe de FLE/S. Dans un premier temps, la lecture des textes littéraires est envisagée dans une approche pragmatique, qui vise à faire passer les apprenants du discours usuel au discours littéraire dans un même geste. Cette approche est elle-même intégrée dans la perspective actionnelle définie par le Cadre européen commun de référence pour les langues (2001), dont l'objectif est la formation d'un acteur social à travers la pédagogie du projet. Dans un second temps, après avoir distingué différentes conceptions de la littérature et leurs implications didactiques, on s'intéresse à la lecture littéraire en tant que pratique spécifique, et plus particulièrement aux enjeux pour le FLE/S de la dialectique « participation-distanciation » et de la « lecture comme jeu ».

Noël CORDONIER - Le texte littéraire, en régime postmoderne, du primaire au tertiaire (p. 71-86)

Issu d'un exposé présenté à la journée d'études « Enseignement de la littérature en français langue étrangère: quels renouveaux méthodologiques ? », cet article répond à la question qui était posée par un inventaire des activités courantes qui s'effectuent autour des textes dits littéraires à l'école (primaire et postobligatoire), à l'Université (Départements de littérature) et dans les différentes Institutions enseignant le français langue étrangère. Construite sur l'a priori que l'enseignement actuel ne peut se penser en dehors de la postmodernité, cette description empirique des principales pratiques souhaite favoriser un dialogue entre des lieux trop souvent séparés, en croisant les points de vue et en repérant quelques convergences.

François ROSSET - Littérature et langue étrangère en monde francophone: au-delà des poncifs et des alibis (p. 87-102)

L'étude part du constat que la réflexion sur l'utilisation des textes littéraires dans l'enseignement du FLE connaît, de façon cyclique, des phases de disette et d'abondance, mais qu'on n'a guère l'impression de véritables avancées, en dehors des nombreuses propositions pratiques. Si ce chapitre de la réflexion didactique en FLE semble celui qui a le moins vieilli, c'est peut-être à cause d'une triple ceinture de poncifs dans laquelle elle semble contenue. Les premiers ont trait aux questions qui se posent invariablement depuis plus de trente ans quand on s'interroge sur les liens entre littérature et enseignement des langues. Les deuxièmes tiennent aux images de la langue et de la culture nationales sur lesquelles continue de reposer une part importante de l'identité française. Les troisièmes relèvent des modèles de valorisation de la littérature comme support didactique.
Ces propos s'achèvent sur une suggestion de réexamen du problème à la lumière d'une conception de l'enseignement/apprentissage des langues qui prenne davantage en compte la subjectivité des apprenants.

DEUXIÈME PARTIE
Du côté de l'apprenant : quelles pratiques de la lecture littéraire ?

Chiara BEMPORAD - Attitudes et représentations face à la lecture littéraire en italien langue étrangère (p. 105-128)

Le présent article concerne une analyse empirique effectuée au sein du département de Langue et Littérature Italienne de l'Université de Lausanne en 2006. Il s'intéresse à la comparaison des pratiques de lecture de textes littéraires en langue italienne des étudiants pour qui l'italien est la langue maternelle, avec d'autres pour lesquels il est langue étrangère. Il s'interroge sur le rôle de l'enseignement de la littérature italienne dans les écoles secondaires du canton de Vaud et sur les enjeux didactiques dérivant du rapport complexe induit par l'attention aux attitudes face à la langue et aux représentations sociales et culturelles de la littérature en langue étrangère.

Arnaud BUCHS et Myriam MORAZ - Littérature et contextes (p. 129-152)

Notre propos visera tout d'abord à montrer quelle est la conception du sens impliquée par les diverses approches privilégiées par les didacticiens du FLE ; ce rapide état des lieux mettra en lumière un sens en quelque sorte « figé », comme prisonnier du texte dans toutes ses dimensions possibles (générique, thématique, linguistique, ...). Nous aimerions alors, dans un deuxième temps, dépasser cette conception « structuraliste » du sens pour lui substituer une vision plus « herméneutique », davantage soucieuse de suivre le sens dans sa dynamique et surtout attentive à ne pas séparer le sens de ses contextes. Nous proposerons ensuite quelques pistes pour permettre aux apprenants FLE en particulier de saisir le fonctionnement du sens - pour leur montrer qu'ils sont partie prenante du sens. Puis nous tenterons, à partir d'un questionnaire distribué à des apprenants de divers niveaux, de réfléchir à leur manière d'appréhender le texte littéraire et ses composantes, pour comprendre où ils situent le sens, comment ils le construisent, et ainsi mesurer le chemin qu'il nous reste à parcourir pour que le texte littéraire soit plus qu'un texte parmi beaucoup d'autres.

TROISIÈME PARTIE
Du côté de l'enseignant : outils didactiques, méthodologiques et pratiques pour l'enseignement de la littérature en langue étrangère.

Francine CICUREL - Postures et médiations pédagogiques pour la lecture littéraire (p. 155-174)

Partant de conceptions théoriques sur la position du lecteur par rapport au texte, l'article propose de revenir sur les postures de lecture traditionnellement en vigueur dans les contextes de classe pour chercher à y faire entrer ce qui est en jeu lors d'une lecture littéraire - coopération, contrat de fiction, identification, curiosité, production de discours à propos de la lecture... La littérature, selon Barthes, véhicule des savoirs qu'il faut apprendre à déceler et à explorer. Quelques exemples de postures lectorales plus ouvertes sur le monde et sur le lecteur sont proposés, comme l'approche de conversations littéraires en vue de comprendre leur logique interactionnelle ou le rôle que peuvent jouer des modèles d'action dans un texte littéraire. Il s'agit d'encourager le lecteur à aller vers le texte pour y découvrir quelque chose qui le concerne d'une manière ou d'une autre.

Raphaël BARONI - Une mise à jour des outils narratologiques pour l'enseignement de la littérature (p. 175-206)

Cet article propose une mise à jour des principaux outils pédagogiques dérivés de la narratologie, qui sont aujourd'hui encore largement utilisés pour l'enseignement de la littérature en classe de FLE. Il s'agit avant tout de lier les questions relatives à la forme de l'intrigue avec celles qui concernent sa manifestation discursive, et de réarticuler par ailleurs la distinction entre « Récit » et « Discours », de manière à mieux éclairer les liens entre la logique propre de l'histoire narrée, la forme poétique de sa narrativisation, les éléments relatifs à la scène énonciative et les effets esthétiques qui découlent de son actualisation par la lecture. Cette approche pragmatique, qui recontextualise les outils narratologiques et met en rapport les dimensions poétique et esthétique des récits, vise enfin à rapprocher l'analyse littéraire de la pratique effective de la lecture, de ce qui fait l'intérêt de cette activité dans nos vies et qui tient à des aspects inextricablement cognitifs et passionnels.

Isabelle GRUCA - Le texte littéraire en classe de langue : un parcours méthodologique pour la compréhension (p. 207-224)

Le courant communicatif a réintégré le texte littéraire parmi les supports d'apprentissage, mais, malgré de nombreuses propositions théoriques, le littéraire est généralement exploité comme un simple document authentique par les méthodes d'apprentissage du français langue étrangère. Les questionnaires d'accompagnement proposent le plus souvent une lecture globale qui ne saurait rendre toutes les virtualités du texte littéraire. Ralentir la lecture sur les éléments constitutifs du texte, puis sur les marques de son discours permet d'assurer le développement d'une véritable compétence lectorale qui conduira l'apprenant à éprouver le plaisir du texte et à s'approprier des outils d'analyse qu'il pourra réutiliser en autonomie. Le parcours à étapes proposé dans cet article ne se pose pas comme un modèle à suivre. Il propose seulement à l'enseignant des pistes d'exploitation pour guider l'apprenant dans sa construction du sens et dans sa découverte de l'univers culturel et pour le sensibiliser aux possibles de la langue, objet même de son apprentissage.

Victoria BÉGUELIN-ARGIMÓN - Faciliter la lecture des textes littéraires par le cinéma (p. 225-238)

Après un rappel sommaire des problèmes liés à la lecture des textes littéraires pour un apprenant d'une L2, nous exposerons les avantages d'une exploitation didactique des adaptations cinématographiques d'ouvrages littéraires. Nous proposerons ensuite quelques pistes pour combiner lecture littéraire et visualisation de films avec, comme buts pour l'apprenant, la confiance en soi, la motivation, l'amélioration des stratégies de lecture, la construction des connaissances linguistiques, l'approche des connaissances socio-culturelles nécessaires à l'interprétation du texte et la construction des compétences littéraires.

Carine MAILLAT-REYMOND - De l'action au texte. Les techniques théâtrales facilitatrices d'accès au texte littéraire en langue étrangère (p. 239-252)

Cet article se penche sur les difficultés des élèves à lire un texte littéraire en L2 et propose une piste didactique forte pour abolir en partie ces difficultés. L'argument principal consiste à promouvoir une approche physique et émotionnelle du texte littéraire afin que les élèves puissent vivre une expérience avant ou pendant la lecture. Les techniques théâtrales utilisées sont expliquées et illustrées par des exemples appliqués à des oeuvres littéraires anglaises étudiées dans différentes classes du secondaire I et II.

Marc-Félix SOUCHON-FAURE - L'écriture littéraire comme modèle de médiation interculturelle (p. 253-268)

A toutes les époques la littérature, même lorsqu'elle ne portait pas encore ce nom, a été un facteur déterminant de médiation et d'intercession entre l'homme et son environnement. Elle lui a permis, sous diverses formes langagières, de se représenter le monde où il vivait, de l'apprivoiser, d'établir des échanges avec les peuples étrangers, hors de la tribu, et aussi entre les individus d'une même communauté. A ce titre-là, la littérature a été très sollicitée dans l'enseignement-apprentissage des LE dont elle a longtemps constitué la colonne vertébrale. Dans cet article, nous ne nous intéresserons pas à toutes les activités que la didactique des LE a pu élaborer à partir des comparaisons interculturelles d'une littérature à l'autre : quelle est par exemple la représentation de l'enfance donnée par des romans appartenant à différentes cultures : L'enfant noir, La vie devant soi, etc.? Nous essayerons de montrer que l'« écriture littéraire », entendue dans un sens très large et pas seulement dans le sens de travail sur l'écriture (qui reste la marque propre de l'écrivain), concentre des formes et des niveaux extrêmement divers d'interculturalité. Certains apprenants de LE parviennent à les gérer pour créer des textes « nouveaux », « inattendus », difficiles à catégoriser, tant du point de vue de leur genre que de leur langue mais qui font sens pour le lecteur. Nous faisons l'hypothèse que c'est en favorisant la production de tels textes que l'enseignant parviendra à développer chez l'apprenant des compétences écrites, parce qu'ils portent des traces de la manière dont ce dernier se les approprie dans une langue qui n'est pas la sienne.

Alain CERNUSCHI - Propositions pour mettre la littérature en perspective dans l'enseignement universitaire du FLE : un exemple d'objet d'étude : « Ecrivains et ateliers » (p. 269-286)

A travers le développement d'un exemple de cours conçu pour un niveau académique, cet article présente une façon d'inscrire la littérature française dans un dispositif d'enseignement qui la connecte avec l'histoire culturelle et l'histoire de la langue, et défend la pertinence d'un tel dispositif en montrant qu'il exploite des modes d'attention et des compétences que les étudiants de FLE développent par ailleurs dans leur expérience interculturelle.

ADRESSES DES AUTEURS (p. 287-290)

TABLE DES MATIÈRES 2007 (p. 291-293)

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ISBN 978-2-940331-15-4

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