Dr Julien Leuthold

En tant que conseiller scientifique au Fonds national suisse, Julien Leuthold accompagne les candidat·es et participe au lancement d’instruments collaboratifs. Par cette voie, il a choisi d’allier développement professionnel, excellence scientifique, hobby et vie de famille.

Décrypter des complexes magmatiques a motivé son travail de recherche, notamment en Patagonie lors de sa thèse en pétrologie en 2011 à la Faculté des géosciences et de l’environnement (FGSE). Son intérêt pour les sciences naturelles l’accompagne toujours à travers son engagement actuel dans des actions pour le grand public.

Julien Leuthold

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En quoi consiste votre poste actuel ?

Après plusieurs années à mener des recherches académiques, j’ai basculé de l’autre côté du miroir et suis conseiller scientifique au FNS depuis 2019. Mes tâches sont variées. Je réponds aux questions des chercheur·euses, m’assure que le processus d’évaluation se déroule parfaitement, puis explique les décisions aux requérant·e·s. Il m’arrive d’évaluer des requêtes pour des échanges scientifiques ou des demandes de transfert de subsides à l’étranger. Ponctuellement, je participe également aux évaluations des infrastructures de recherche, depuis la création du call jusqu’au rapport final.

Je prends aussi part à plusieurs groupes de travail. Par exemple, celui de Weave/Lead Agency, en charge des projets collaboratifs internationaux. Nous négocions avec les agences partenaires puis traitons les projets internationaux. Cela demande un suivi consciencieux. J’ai également été élu à la Commission du personnel et nous défendons au mieux les intérêts des collaborateur·rices.

Qu’est-ce qui vous plaît dans votre travail au FNS ? Pourquoi avoir choisi cette voie ?

Dans chacune de mes tâches, nous avons un gros travail de remise en question permanent au sein de l’équipe, afin de toujours viser l’excellence. Cela me plaît énormément. J’aime aussi être proche du milieu de la recherche scientifique. Évidemment, c’est un peu moins excitant que de conduire soi-même les recherches, mais mon poste offre de nombreux avantages. Par exemple, j’ai souffert de l’instabilité des postes de chercheurs, et du besoin permanent de devoir publier. Aujourd’hui, le travail n’a pas diminué, mais offre davantage de sécurité. Je suis également très fier de travailler dans un monde plurilingue et pluriculturel, où il est fréquent de mélanger allemand, français et anglais dans une même phrase. Il y a une très bonne écoute de la part des équipes et supérieurs et les bonnes idées peuvent rapidement être implémentées.

Vous êtes aussi président de la Société vaudoise des sciences naturelles. Qu'est-ce que cela implique ?

La mission de la Société vaudoise des sciences naturelles – dont nous avons récemment fêté le bicentenaire ! – est de partager le savoir du milieu académique au grand public. Nous avons un grand nombre d’actions : conférences, excursions et visites, bulletins et mémoires, activités junior, remises de prix. Il y a un gros travail stratégique afin d’adapter la société aux besoins des membres et aux progrès technologiques. Pour vous donner une idée des challenges à relever, j’ai débuté dans mon rôle de président alors que la pandémie de COVID-19 arrivait en Suisse... Depuis, la société offre la plupart de ses activités en mode hybride, afin d’atteindre le maximum de monde à travers tout le canton, voire la francophonie.

Utilisez-vous aujourd’hui des compétences, que vous avez développées dans votre travail de chercheur, notamment à la FGSE ?

Clairement, mes travaux de chercheur m’ont permis de développer un esprit d’analyse pointu et la capacité à effectuer une critique constructive. J’ai également développé une aisance à présenter des résultats à tout type de public, ou à rédiger des rapports. De plus, j’ai pu développer une très grande autonomie et indépendance, grâce à la confiance de mes professeurs. J’ai encore renforcé ces compétences durant mes travaux de chercheur et lecturer, ainsi que dans mes activités bénévoles à la Municipalité et à la SVSN. Ces dispositions m’ont toujours été extrêmement utiles dans chacune de mes activités. Le fait d’avoir côtoyé le monde académique et d’avoir moi-même été chercheur – d’avoir essuyé quelques refus de demandes de bourse, mais également de jolis succès – m’aide à comprendre les besoins des requérant·es. Grâce à cette expérience, je suis mieux à même de les aider en leur communiquant des feedbacks constructifs et détaillés et me tenant à disposition en cas d’éventuelle question ou remarque.

Qu’est-ce qui, en 2001, avait motivé votre venue à l’UNIL ?

J’étais plutôt sédentaire à l’époque et ai simplement poursuivi mes études là où je vivais. Je ne me plains pas, puisque j’ai rencontré mon épouse ;-). J’aurais pu aller réaliser une thèse de doctorat à Berne, mais le professeur avec qui j’étais en contact, Othmar Müntener, a obtenu la chaire à Lausanne.

Je pense que mon intérêt pour les sciences naturelles en général, au-delà de la géologie, ne s’est pas développé à la FGSE, mais résulte de mes études au gymnase. Plus tard, alors que j’étais chercheur, la question récurrente : « Mais ça sert à quoi tes recherches ? » m’a aussi poussé à parler de science avec des non-experts et des curieux·euses. Bien que je sois toujours convaincu par la valeur de mes travaux – les mélanges de magmas dans des chambres magmatiques –, j’ai réalisé que des travaux de recherche appliquée sont hyper intéressants. J’ai par exemple évalué des projets en robotique ou photovoltaïque et ai découvert des mondes incroyables.

Avez-vous aujourd’hui des activités en lien avec votre recherche en sciences naturelles à la FGSE ?

Toujours, oui. Au FNS, je gère plusieurs projets en lien avec les géosciences et la géologie en particulier. À la SVSN, je propose et organise plusieurs activités dans les disciplines des géosciences. Et cet été, je partirai donner des conférences durant une croisière touristico-scientifique au Spitzberg.

Comment se passe la transition professionnelle vers un rôle extra-académique ? Y étiez-vous préparé ?

C’est toujours un mur et un virage à 90°. J’ai eu quelques entretiens pour des postes académiques à l’étranger, mais n’ai jamais été sélectionné. On critiquait souvent mon manque de publications académiques. Conscient de cette faiblesse, j’ai donc essayé de me diversifier et développer d’autres compétences qui pourraient être utiles à une institution de recherche : par exemple, j’adore enseigner et je m’intéresse beaucoup à la politique. J’ai ainsi été lecturer à l’ETHZ et fait partie de plusieurs commissions et groupes de travail. C’était passionnant. En tant que conseiller municipal, j’ai également consacré beaucoup de temps et d’énergie à des tâches politiques. Finalement, j’ai peut-être ainsi sacrifié ma carrière académique, en négligeant la rédaction d’articles ! Mais je suis persuadé que cela m’a aidé à bifurquer et arriver là où je suis aujourd’hui.

Par contre – en tout cas à mon époque – les institutions ne proposaient pas grand-chose pour préparer les étudiants et chercheurs à sortir du monde académique. À la fin de ma période académique, j’ai fait une courte période au chômage. C’est grâce à des contacts et un comportement proactif que j’ai pu créer un stage qui m’a énormément aidé à me réorienter et m’a beaucoup appris du monde extra-académique.

Quand vous considérez votre parcours, rétrospectivement, quelles sont vos réflexions ? Quels conseils donneriez-vous à un·e doctorant·e ou à un·e post-doc qui prépare la prochaine étape de sa carrière ?

Je suis plutôt satisfait de mon parcours et de ma carrière. J’ai eu la chance de travailler dans des endroits extraordinaires, de réaliser mes propres projets de recherche indépendante, de vivre quelques années à l’étranger, de m’épanouir dans des hobbys très enrichissants, d’avoir une vie de famille. Sans une vie de famille, j’aurais certainement pu poursuivre une carrière académique, plongé dans mes travaux jour et nuit. Cela aurait été différent, mais aurait-ce été mieux ?

Un excellent conseil est d’oser essayer : pour ma première bourse, je n’osais pas écrire au professeur anglais avec lequel j’aurais beaucoup aimé collaborer. Durant un voyage en train en retour d’un groupe de travail, un professeur fribourgeois m’a alors dit : « Tu n’as qu’à lui écrire et tu verras bien. S’il te répond oui, c’est gagné et sinon, c’est un imbécile ». En quelques heures, j’avais une réponse positive et je déménageais en Angleterre quelques mois plus tard ! Un autre conseil est de développer son réseau : c’est incroyable les opportunités qui peuvent se présenter avec les bons contacts !

Quels sont à présent vos projets et aspirations professionnels ?

Aujourd’hui, j’aimerais progresser dans ma carrière et prendre davantage de responsabilités. J’ai énormément appris et développé de précieuses compétences dans mes différents emplois et dans mes hobbys et je pense être parfaitement capable de gérer une équipe et des projets plus ambitieux.

Entretien publié le 31 mars 2023.

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