234 (1993/1) La philosophie et les modes de la connaissance

SOMMAIRE

Raphaël CÉLIS - Introduction (p. 1-4)

Ada NESCHKE - Philosophie ou science? La question des mondes multiples chez Anaximandre (p. 5-16)

Les interprétations actuelles de la pensée présocratique oscillent entre une compréhension métaphysique et une interprétation empirico-scientifique. Ni l’une ni l’autre approche ne peuvent réellement satisfaire; en effet, les présocratiques se sont attelés à rendre le «monde» (kosmos) intelligible. Dans ce but, ils ont développé une logique toute propre. La question est de savoir si Anaximandre concevait le monde comme éternel ou périssable témoigne de l’impasse de l’interprétation empirico-scientifique proposée par G. S. Kirk. En postulant un empirisme total chez Anaximandre, Kirk lui prête l’idée d’un monde éternel. Pourtant, la logique intrinsèque de la pensée du Milésien exige l’idée que le monde en tant que chose déterminée doit être soumis à la génération et à la corruption.

Ingeborg SCHÜSSLER - Philosophie et positivisme des sciences. L'émancipation des sciences empirico-analytiques selon la Critique de la faculté de juger de Kant (p. 17-38)

L’«émancipation» des sciences par rapport à la philosophie, qui aboutit au «Positivisme», est couramment considéré comme un processus qui s’accomplit uniquement du fait des sciences. De plus, elle est considérée comme une «libération» par rapport à des «dogmes métaphysiques». Pourtant, selon Kant, cette «émancipation» repose sur une double fondation philosophique: 1. Selon la Critique de la raison pure (CRP), la philosophie fonde la science comme telle dans la mathématique pour lui assurer l’objectivité de la connaissance. Cette fondation sépare la science de l’Ontologie métaphysique (ουσια), mais elle demeure toujours ontologico-transcendantale. 2. Selon la Critique de la faculté de juger (CFJ), la philosophie fonde les sciences particulières, empirico-analytiques, sur le principe «régulatif» de la méthode pour assurer qu’elles puissent s’établir sous forme de système. Cette fondation constitue la séparation proprement dite des sciences par rapport à toute Ontologie, même transcendantale. Cette «émancipation» des sciences par rapport à l’ουσια abrite, selon Kant, l’essence de la technique moderne.

Alexandre SCHILD - L'écologie en question (p. 39-54)

Les réflexions qui suivent abordent la question de l’écologie à partir de l’ouvrage du psychiatre suisse Hanspeter Padrutt, Der Epochale Winter, qui prolonge la pensée de Martin Heidegger au sujet de la «technique moderne». Elles tentent d’indiquer la portée et la pertinence de la «pensée de l’être» pour le développement d’une écologie digne de ce nom, cela en relevant que les destructions dévastatrices (tout comme les bienfaits d’ailleurs) qui découlent du déploiement de la technique moderne pourraient peut-être bien procéder en tout premier lieu d’un anéantissement de l’être des choses au sens de leur présence-même pour nous, les hommes, auxquels les choses elles-mêmes deviendraient ainsi parfaitement indifférentes.

Patrick FAVRE - Sciences et nihilisme (p. 55-66)

Dans son essai de 1949 intitulé Über die Linie, Ernst Jünger définit le nihilisme – qui n’est plus «devant la porte», comme disait Nietzsche, mais qui a désormais envahi la maison de l’homme et menace par là l’homme en son être – par le mouvement de réduction que subissent tous les domaines de la réalité. Or, dans sa méditation sur le nihilisme, Jünger ne répond pas à la question des causes de cette réduction; un chemin reste donc ouvert pour la pensée et c’est ce chemin que cette étude se propose de parcourir. Elle tentera de montrer que la réduction a son origine dans les sciences modernes qui, poussées par la volonté de puissance, cherchent à dominer la réalité, et qui pour ce faire simplifient cette réalité en la réduisant à l’univocité, à son aspect purement quantitatif, de telle sorte qu’elle soit mesurable, calculable et par là maniable. Il s’avérera toutefois que les arts, dans leur attention à l’unique, à l’individuel, s’opposent à cet appauvrissement de la réalité et qu’ils se présentent ainsi comme un contre-poids, un frein au mouvement nihiliste.

Guido ALBERTELLI - Le détour scientifique de Nietzsche (p. 67-84)

Cette étude tente de rendre compte du moment de l’Aufklärung de Nietzsche dans le cadre global de son œuvre, en essayant de mettre en évidence comment ce «détour scientifique» constitue le passage de la «métaphysique artiste» au «gai savoir» – du tragique au tragique. Partant de la condamnation de la science dans La Naissance de la tragédie, on suivra l’inversion de cette évaluation au moment de la rupture avec Wagner, et enfin le glissement qui conduit Nietzsche à se défaire du «pathos de la chose en soi», qui détermine la philosophie comme science, et à découvrir la possibilité d’un «gai savoir» non plus réactif, mais affirmatif.

Fabio MERLINI - Histoire et connaissance. Notes sur la morphologie de la raison historique (p. 85-94)

Lorsqu’on essaye de penser l’intelligibilité d’une discipline telle que l’histoire, il faut se rappeler que l’épistémologie historique n’a longtemps pas eu d’autre possibilité que de statuer sur la certitude de ses énoncés dans le cadre obligé d’une confrontation avec le formalisme logique des langages scientifiques. C’est à partir du cadre conceptuel du discours moderne sur la méthode que l’historiographie s’est interrogée sur la nature de ses objets et sur la structuration formelle de ses explications.

Pierre-Yves HUNZIKER - La place du signe dans le projet architectonique de Ch. S. Peirce (p. 95-110)

A partir d’un tableau représentant l’organisation hiérarchique du savoir selon Peirce (tableau que le philosophe-logicien proposa à Baldwin pour son Dictionary of Philosophy and Psychology), nous tentons d’une part de mettre en évidence la place privilégiée qu’occupe la sémiotique dans l’amvitieux projet peircien de fondation de la science, et d’autre part de voir quel en est l’enjeu philosophique majeur, pour Peirce au moins.

Alexandre ETIENNE - Essai de navigation platonicienne. Remarques sur quelques images nautiques chez Platon (p. 111-128)

Platon recourt fréquemment à des images dans ses textes – en raison notamment du choix du dialogue comme lieu de sa philosophie. Parmi celles-ci, les métaphore nautiques retiennent particulièrement l’attention. Pour une part héritage de la poésie épique et lyrique, elles sont adoptées par Platon pour illustrer dans un premier usage l’activité du philosophe dans sa quête de la vérité et, dans son deuxième usage, pour mettre en scène le philosophe-roi. En effet, Platon a une prédilection pour les images nautiques qui lui permettent de décrire la tâche du philosophe au sein de la cité. L’Etat devient ainsi vaisseau et le philosophe assume alors le rôle de capitaine ou de pilote dans ce navire-Etat. Les images nautiques chez Platon sont donc assez souples pour représenter tantôt la quête d’un savoir véritable, tantôt l’application d’un savoir acquis.

Nathalie JANZ - Les métaphores optiques dans La Philosophie des formes symboliques d'Ernst Cassirer (p. 129-144)

Les métaphores optiques introduisent à la lecture de La Philosophie des formes symboliques du point de vue épistémologique, historico-philosophique et stylistique. Les métaphores autour de la réflexion permettent de rejeter la vision naïve des anciens qui considéraient le langage comme miroir du monde et de réorienter la philosophie sur la connaissance de l’esprit qui se réfléchit dans le langage et les formes symboliques comme le mythe, la connaissance scientifique, etc. Les métaphores de la réfraction nous livrent tout le spectre du symbole, sa composition en trois fonctions, l’expression, la représentation et la signification. Enfin, le kaléidoscope permet de caractériser ce double labyrinthe pluridisciplinaire que sont l’œuvre de Cassirer et la fameuse bibliothèque de Warburg où il fit ses recherches.

Leçons inaugurales

Ada NESCHKE - Souveraineté et transcendance de l'Un dans les Six Livres de la République de Jean Bodin (p. 147-162)

L’œuvre des Six Livres de la République de Jean Bodin a toujours été lue exclusivement comme une œuvre politico-juridique. Les interprètes de Bodin, tout en négligeant la trame intérieure du texte, constituée par une discussion permanente de Bodin avec Platon, n’ont pas su recinnaître le fait que Bodin, travaillant le concept de souveraineté, s’est principalement inspiré de l’idée de l’Un telle que la tradition néo-platonicienne ancienne et dontemporaine l’avait conçue. Aussi peut-on conclure que le concept de souverainté est une idée laïcisée, issue d’une spéculation concernant la trandcendance de l’Un.

Raphaël CÉLIS - Entre appartenance et exil: de la condition naturelle de l'homme (p. 163-184)

L’opposition moderne entre nature et liberté présente la condition humaine comme «échouée» dans un monde indifférent, étranger et muet. Comprise sous un certain angle, la philosophie contemporaine confirme ce diagnostic en interprétant l’homme comme un être de pure culture, séparé de toute réalité naturelle préalable. Néanmoins, l’évolution de la physique et le renouveau cosmologique nous obligent à remettre en question ce préjugé métaphysique. Il se pourrait que l’enjeu éthique d’une appartenance à l’esprit – appartenance qui s’avère radicalement brisée depuis Descartes.

Chronique annuelle de la Faculté des lettres, année académique 1991/1992 (p. 185-188)

Mémoires de licence soutenus à la Faculté des lettres en 1992 (p. 188-197)

Thèses de doctorat soutenues à la Faculté des lettres en 1992 (p. 197-198)

Ecole de français moderne (p. 198-200)

Chronique de la Société des Etudes de lettres (p. 200)

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